Victoire
des " recalculés
Parce que les chômeurs sont trop souvent traités
comme de vulgaires statistiques, ceux-là ont choisi de s’affubler d’un mathématique
quolibet. «Recalculés». Comme l’ont été leurs allocations depuis l’entrée en vigueur
d’une nouvelle convention de l’assurance-chômage, signée par le Medef et trois
syndicats (CFDT, CFTC, CFE-CGC), en pleine trêve des confiseurs en 2002. Le texte
permet d’équilibrer les finances de l’Unedic. Problème: il demande beaucoup aux
chômeurs qui ont vu leur durée d’indemnisation amputée de sept mois le 1er janvier
dernier. Plus de 265 000 personnes ont ainsi été rayées des Assedic à cette date.
La semaine dernière à Paris, 23 «recalculés» ont porté l’affaire devant la justice.
«Guérilla juridique», a vilipendé le représentant du Medef. «Rupture de contrat»,
ont répondu les chômeurs, qui ne calculent plus vraiment ce genre de sarcasmes.
Chômeurs. Victoire des " recalculés " La justice marseillaise
condamne l’assurance chômage à rétablir les allocations supprimées prématurément
pour 35 chômeurs. Le préjudice moral est reconnu. Ce jugement
pourrait provoquer des dizaines de milliers d’autres plaintes. Marseille, envoyé
spécial. Après, la vie continue, mais en mieux. Mardi, Marie-Noëlle, " recalculée
" à zéro euro par mois depuis janvier, pleurait de rage, de détresse ; jeudi,
ce sont des larmes de joie qui viennent étoiler ses joues. Dans l’après-midi,
Sabine Parat, une des 35 chômeurs réintégrés dans ses droits à l’ASSEDIC le matin
même par le tribunal de grande instance de Marseille, part, avec quelques copains,
refuser de signer un " contrat d’insertion " _ c’était prévu quoi qu’il arrive,
mais là, ça n’a plus la même portée. Et Charles Hoareau ? Pendant ce temps, c’est
lui qui tient la boutique. Répond aux coups de fil. " Je veux porter plainte :
à qui je m’adresse ? " Ni trêve ni répit. " Maintenant, j’ai entendu à la radio
pour le jugement, j’ai compris que c’était un truc sérieux, votre affaire, comment
je fais ? " À un moment donné, tout de même, la figure des mouvements de chômeurs
à Marseille laisse le téléphone décroché. Cinq, dix minutes de pause. Penser ce
qui arrive, y réfléchir un moment, tenter de se figurer les chausse-trapes ; pour
les points d’appui, c’est vite vu. Au loin, les portables continuent de vibrer.
Ce n’est pas si souvent qu’on gagne ces temps-ci. Car, à Marseille, jeudi matin,
les chômeurs " recalculés " ont remporté une victoire sur toute la ligne, juridique
et politique, dans la bataille pour les droits des chômeurs indemnisés par l’assurance
chômage. De façon éclatante. Inespérée, bien entendu, après avoir mordu la poussière
tant de fois. Trop belle pour y croire, au point de dérouter jusqu’aux plus optimistes.
Ce jugement sans précédent ouvre des perspectives plutôt riantes pour les centaines
de plaintes déjà déposées devant une soixantaine de juridictions en France, les
milliers, déjà prêtes, qui n’attendaient que le premier verdict, et les dizaines,
voire les centaines de milliers d’autres que tous les chômeurs " recalculés "
_ 265 000 dès janvier dernier et 856 000 d’ici à 2005 _ pourraient désormais avoir
envie de déposer. " Cela va faire tache d’huile ", se félicite d’ores et déjà
Stéphane, un des jeunes de la CGT-Chômeurs. Sans doute, car dans l’exposé des
motifs, la justice marseillaise se montre extrêmement tranchante aux dépens de
l’ASSEDIC régionale et l’UNEDIC : sans perspectives d’appel suspendant l’exécution
provisoire du jugement ordonnée par le tribunal, le régime d’assurance chômage
est condamné, avec effet rétroactif au 1er janvier 2004, à maintenir pour les
plaignants " recalculés " les droits et les allocations, et à leur verser, en
plus, la somme de 1 000 euros pour " préjudice moral ". Et on voit mal à présent
comment, face aux mêmes arguments, une autre juridiction, ailleurs en France,
pourrait aller dans la direction opposée. Pour le tribunal de Marseille, les "
partenaires signataires de la convention UNEDIC du 1er janvier 2001 " ont souhaité
" inscrire " le plan d’aide au retour à l’emploi (PARE) " dans une logique d’individualisation
des rapports entre l’ASSEDIC et les chômeurs " et dans ces conditions, " l’ASSEDIC
a l’obligation de verser une indemnité au chômeur " dans la mesure où il " respecte
ses obligations ". Par ailleurs, la justice marseillaise dénonce crûment le "
caractère volontaire " du " déficit de l’UNEDIC ", tant agité comme un fait inéluctable
par les signataires de la convention : " le résultat financier du régime d’assurance
chômage était particulièrement excédentaire " en 2000 et en 2001 " lorsque la
convention a été signée ". Les gestionnaires de l’UNEDIC ont eux-mêmes organisé
le déficit en baissant les cotisations et, ensuite, ils tentent de justifier les
coupes prématurées dans l’indemnisation des chômeurs. Irrecevable aux yeux de
la justice marseillaise. Mais alors que les comités de chômeurs CGT relancent
dès maintenant leur campagne de pétition défendant un " projet de loi " pour la
création d’une " caisse nationale de protection sociale des chômeurs ", ce véritable
séisme pour l’UNEDIC provoque déjà des secousses plus intimes chez les chômeurs.
Alors que le téléphone est toujours décroché, le regard de Charles Hoareau se
noie dans la Méditerranée. " Ah merde, faut que je fasse gaffe de ne pas être
trop grandiloquent, lâche-t-il. Il y a une putain d’intelligence collective dans
cette bagarre. Comme toujours dans les grands moments de lutte, on voit les femmes
et les hommes se bonifier, devenir moins égoïstes. Il y a de l’humanité, de la
fraternité, une sérénité, une confiance, pas aveugle, mais parce qu’on discute
des enjeux, des orientations. Dans les messages, on sent bien que l’émotion nous
dépasse tous, que cette histoire ne tient pas qu’au pognon. C’est une question
humaine. De dignité. " Thomas Lemahieu
Les "recalculés" doivent
retrouver tous leurs droits (29 avril 2004) par Nicole Borvo Monsieur le Président,
Monsieur la Ministre, Mes chers Collègues, Rarement, un gouvernement n'avait été
aussi violent contre les personnes privées d'emploi et les précaires. Agrément
de la convention Unedic du 20 décembre 2202 programmant, sous prétexte de difficultés
financières, une réduction drastique des durées d'indemnisation, privant dès janvier
2004, 265 000 personnes de toute allocation chômage. En parallèle, réforme des
minima sociaux, ultime filet de sécurité, par la transformation du RMI en RMA
et la limitation des droits des chômeurs à l'ASS. Réduction des moyens consacrés
à la politique de l'emploi, durcissement des contrôles exercés sur les chômeurs,
projet de dynamitage du service public de l'emploi, dans un contexte de chômage
toujours grandissant. Votre politique inefficace, économiquement et socialement
injuste a été durement sanctionnée : Dans les urnes le mois dernier. Ne vous laissant
pas d'autre choix que de suspendre la réforme de l'ASS. Pour combien de temps
? Indirectement par la justice. Le TGI de Marseille ayant condamné l'Unedic à
rétablir dans leurs droits à indemnisation 35 chômeurs. Depuis, ceux, dont le
patronat, qui s'était arrogé le droit de grignoter les droits acquis de tous les
« recalculés », agitent la situation financière « catastrophique » de l'Unedic
pour mieux préparer demain des mesures censées sauvegarder le système, mais ne
manqueront pas de peser encore, principalement sur les seuls salariés et chômeurs.
Les partenaires sociaux se trouvent incontestablement dans l'impasse. Le Medef
posant son veto à toute hausse de cotisations de 0,2 points. Vous avez certes
indiqué que le gouvernement prendrait ses responsabilités en cas d'échec entre
les partenaires sociaux, mais encore Monsieur le Ministre ? Comme il serait opportun
que la représentation nationale soit informée. Mes questions sont les suivantes
: Confirmez-vous la volonté du gouvernement de réaliser la réintégration de l'ensemble
des femmes et des hommes « recalculés » dans le système d'indemnisation ? Dans
ce cas, allez-vous imposer pour faire respecter cette exigence fondamentale de
justice et de solidarité, que les employeurs, et non les salariés, voient augmenter
leur taux de cotisation à l'assurance chômage ? Plus généralement, entendez-vous
enfin initier, Monsieur le Ministre, un « Grenelle de l'Unedic » posant les bases
d'une renégociation complète et ambitieuse de la convention régissant le régime
d'indemnisation chômage, y compris celui des intermittents ? M. Gérard LARCHER,
ministre délégué aux relations du travail. Monsieur le Président et - permettez-moi
de vous appeler encore ainsi - mes Chers Collègues (marques d'appréciation sur
plusieurs bancs U.M.P.), c'est avec émotion que je m'exprime ici pour la première
fois comme membre du gouvernement… M. WEBER. - L'émotion est partagée ! M. Gérard
LARCHER, ministre délégué. -… puisque le Président de la République et le Premier
ministre ont bien voulu m'honorer de leur confiance. (Applaudissements sur plusieurs
bancs à droite.) Vous savez combien j'ai apprécié tous mes collègues pendant ces
dix-huit années passées au sein de la Haute Assemblée. (Applaudissements au centre
et à droite.) M. MUZEAU. - Et la réponse ? M. Gérard LARCHER, ministre délégué.
- Je tiens tout particulièrement à vous en remercier, monsieur le Président du
Sénat. Nous n'avons pas, madame la Présidente, la même conception du dialogue
social. Pour nous, on ne commence pas par « imposer ». Ce mot est à bannir ! Le
dialogue est le fruit de la rencontre ; s'il échoue, alors le gouvernement prend
ses responsabilités. Nous suivons avec attention ce dossier, notamment en son
volet assurance chômage, donc solidarité. M. Borloo et moi-même écoutons les propositions
de tous les partenaires sociaux. M. MAHÉAS. - Surtout celles du Médef… M. Gérard
LARCHER, ministre délégué. - Trois d'entre eux ont exprimé ce matin leur préoccupation
de ne pas déstabiliser durablement l'institution, tout en évitant de porter atteinte
aux droits des chômeurs. J'ai toute confiance en leur capacité à procéder collectivement
aux ajustements qui sont nécessaires pour lever les risques pesant sur un régime
déjà éprouvé. En 2002, les gestionnaires de l'UNEDIC ont su prendre une décision
douloureuse mais équilibrée afin d'assurer la pérennité du régime et préserver
une durée d'indemnisation parmi les plus favorables en Europe. MM. BOULAUD et
MAHÉAS. - Trop favorables peut-être ! M. Gérard LARCHER, ministre délégué. - Depuis
mardi, M. Borloo et moi-même attendons une solution négociée par le dialogue social.
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