Les origines
un revenu pour tous

1 - Des Origines multiples du Chômage (source sur le site de Jean Zin)

Les origines multiples du chômage
    La plupart des discours sur le chômage sont imprécis et contradictoires. Il faut savoir de quoi on parle. D'abord, tout chômage résulte d'une surproduction puisque le travail n'est pas une richesse à partager mais une création de richesse. Le chômage est plus précisément l'impossibilité de créer une richesse solvable, valorisée socialement. A partir de là, on peut distinguer 3 causes du chômage : Le chômage keynésien causé par les crises cycliques et la lutte contre l'inflation (rigueur budgétaire, Franc fort, Euro). C'est de loin le plus important mais ce chômage disparaît par disponibilité de liquidités. Le chômage frictionnel résulte des inadaptations structurelles de l'offre et de la demande (formation, passage à l'informatique). On ne peut le réduire que par des politiques à long terme, mais jamais l'éliminer totalement. Le chômage classique est l'inadaptation du coût du travail et de sa productivité (charges sociales, mondialisation).

    La période actuelle se caractérise par le cumul considérable de ces trois facteurs qui ne se traitent pas de la même façon. Chômage frictionnel et chômage classiques dépendent de données structurelles mais c'est le chômage keynésien qui en détermine la masse finale. A un certain niveau le chômage est une menace pour la totalité de la société. Le chômage peut baisser, bien sûr, mais, tout est une question d'ordre de grandeur. Il ne suffit plus de créer autant d'emploi qu'il y a de chômeurs, ce qui est déjà impossible, mais on sait qu'il faudrait en créer presque le double, ce qui est tout-à-fait hors d'atteinte d'une industrie en pleine automatisation, mais aussi de services toujours plus informatisés.

    1. L'Empire (mondialisation, déficits budgétaires)

    Du Japon après 1945, au Plan Marshall contre le communisme assurant la prospérité européenne, puis le Vietnam produisant l'inflation et maintenant le GATT assurant la mondialisation, nous vivons sous une hégémonie américaine surconsommatrice et à son plus haut, rattrapée désormais par l'Europe en productivité et diplômes bien que les USA profitent encore à plein de leur avance dans l'informatique et de leur progression démographique. Nous subissons encore la pression de la politique de relance de Reagan qui réussit aux USA (baisse des impôts, augmentation des dépenses militaires, déficit budgétaire) mais devait attirer les capitaux étrangers, ce qui poussait en retour à l'amélioration de la rentabilité des investissements partout, c'est-à-dire une augmentation de la part du capital par rapport au travail. Cette pression n'est plus tempérée par le soutien des USA aux régimes étatistes considérés, au moment de la guerre froide, comme des remparts contre le communisme. La besoin de financement externe, ainsi que la sur-consommation américaine ont donc été décisifs dans l'accélération de ce qu'on appelle "la mondialisation", mais aussi la domination américaine des secteurs de la communication. L'augmentation des échanges externes provoque inévitablement, selon un principe de l'économie, un accroissement des inégalités internes et une moindre solidarité sociale. L'exportation est d'abord une externalisation, une négation du global (nation ou planète). Il se trouve qu'elle rencontre désormais rapidement sa limite planétaire, un marché saturé (qu'on ne peut plus inonder de produits en chaînes mais auquel on doit s'adapter en flux tendu); et la baisse généralisée des coûts salariaux finit par provoquer mécaniquement une récession mondiale, une surproduction qu'on peut déjà enregistrer dans les matières premières provoquant une crise probable d'effondrement des cours justement parce qu'ils sont au plus haut. La mondialisation est dans quelques secteurs limités un facteur de chômage classique (textile) mais la pression sur la rentabilité des capitaux est surtout producteur d'un chômage keynésien en dehors des États-Unis. En théorie, il suffit d'injecter des liquidités dans l'économie pour résorber ce chômage comme Hitler, sinon le New Deal, en on fait la preuve par leurs grands travaux (mais rien ne vaut une bonne guerre !). Il y a pourtant une limite. On ne refait pas si facilement ce qu'on a défait.

    2. Les élites de l'Euro (Franc fort, rigueur budgétaire)

    Cette ouverture du marché américain des capitaux a rencontré, chez nous, l'intérêt des possesseurs de capitaux (vieillissement de l'économie et du corps électoral, les retraités vivent mieux que les salariés depuis 15 ans). En France l'économie est encore fortement étatisée, c'est-à-dire aux mains de hauts fonctionnaires qui ont démontré très souvent leur incapacité et n'ont fait qu'épouser encore la cause des rentiers sous couvert de garder notre rang international et de coller au Mark. Pour ne pas avoir de l'inflation, qui est leur véritable interdit, il faudrait tolérer, donc vouloir du chômage qui fait pression sur les salaires et permet en même temps d'obtenir les gains de productivité exigés des salariés. La traduction politique de cette classe sociale est bien la rigueur budgétaire de l'Euro et du Franc fort avec une inflation proche de zéro, donc en fait déjà une récession compte tenu du progrès technique, et dans un contexte de compression de la demande par l'arrivée des classes creuses après le baby boom de l'après-guerre. Les rigidités étatiques génèrent aussi un chômage classique qui n'est pas négligeable mais n'explique pas le niveau actuel de chômage. On peut ajouter à ce contexte concurrentiel le retard pris dans la réduction du temps de travail. L'essentiel reste que les politiques suivies après Mai 68 ont généré volontairement un fort chômage keynésien.

    3. La révolution informatique (rigidité étatique, conservatisme social, éducation)

    L'informatique n'est donc en rien responsable du chômage qui est fondamentalement keynésien, la masse des chômeurs devant surtout peser sur l'inflation. Son rôle est pourtant essentiel de porter un potentiel de productivité immense disponible (donc un chômage classique pour ceux qui n'y ont pas recours) ainsi qu'une discrimination éducative plus forte qu'avant, c'est-à-dire un chômage frictionnel très important, impossible, lui, à résorber rapidement. Les possibilités de l'informatique n'ont pas été exploitées tout de suite. Elles ont été mises en oeuvre à grande échelle quand elles ont rencontré les intérêts des possesseurs de capitaux (retraités, mafias et investisseurs institutionnels réunis). La rationalisation technique se serait faite de toutes façons mais la rapidité d'adaptation est exigée pour des profits à court terme (c'est la ruse de l'histoire). Une fois le processus enclenché pourtant, l'automation et la civilisation de l'information sont un changement fondamental, abolissant le travail non qualifié, passage de la force de travail à la résolution de problèmes. Le temps de travail n'est plus une mesure pertinente, les gains de productivité sont un enjeu de formation. La rapidité d'adaptation suffit à augmenter le nombre des exclus, mais c'est aussi la pression sur le producteur qui devient de plus en plus insupportable à mesure que la production se règle sur l'information obtenue du consommateur (flux tendus), condamnant ainsi le producteur à la précarité. Cette accélération demande des adaptations urgentes, une redéfinition de la citoyenneté et de la place de l'économie dans une société informatisée, d'abondances et de misères mal partagées.

    4. Se battre ou se soumettre

    Le chômage a donc sans doute été voulu, du moins accepté, par les privilégiés du régime. Ce n'est pas l'effet de la seule technique mais bien de la volonté de certains, de la séparation des intérêts dans une société qui se défait. Les raisons macro-économiques de la crise pèsent surtout sur la croissance mais, pour des raisons écologiques c'est-à-dire humaines, on ne peut plus soutenir la croissance dans les pays développés sur-consommateurs et, de toutes façons, cette croissance ne peut plus être à la hauteur du chômage actuel. Il faut au contraire profiter de la crise : c'est la gestion d'un monde sans croissance, avec un travail limité donc, qu'il nous faut expérimenter dès maintenant. Et d'abord restaurer le global, l'intérêt général et la solidarité (qui ne se réduit pas à la nation). C'est clairement pour des raisons humaines, la qualité de la vie et une nouvelle citoyenneté, que nous voulons la réduction du temps de travail et la fin du salariat, non pas à cause d'une raréfaction du travail ou d'une loi inéluctable de l'économie. La situation de chômage que nous connaissons et qui cumule les trois formes de chômage, montre paradoxalement que notre société riche peut réduire sa production et financer un revenu inconditionnel adapté à un monde de la formation permanente et de la complexité. Il suffit de reconstruire sa solidarité au lieu de renforcer la concurrence de tous contre tous. Aucune autre solution n'est viable à court terme, personne ne peut inventer 5 millions d'emplois et il ne s'agit pas de redonner du travail à 1 million de chômeurs pour que le niveau de chômage devienne plus acceptable et qu'on puisse se désintéresser des millions de chômeurs restants ! Il ne s'agit pas d'accepter n'importe quel travail non plus, d'inventer des activités imaginaires ou de nouvelles contraintes ! Un retour à l'esclavage, tous les pauvres réduits à être domestiques. Il faut le répéter, il y a une mutation de civilisation que nous devons assurer, toutes les conditions sociales sont réunies. Il s'agit bien là d'un combat politique : solidarité contre inégalitarisme mais aussi liberté contre autoritarisme. Aujourd'hui, la revendication ne peut plus être raisonnablement "un travail pour tous" mais seulement
     

    "Un revenu pour tous"
    et donc d'abord l'augmentation des minima sociaux.


Certains veulent nous prédire maintenant le bonheur économique (Albin Michel) pour 30 ans en comparant notre situation à l'année 1937 (sur la base des cycles de Kondratieff), mais, outre qu'il n'y a aucune raison de se réjouir d'être en 1937 (même si c'est vrai, c'est souvent au moment de la reprise que la misère encore largement dominante apparaît le plus insupportable déclenchant toutes sortes de violences), on ne peut être certain que la nouvelle révolution de l'information pourra continuer le même modèle économique. D'ailleurs l'auteur (Chevallier) hésite à mettre cette révolution au même plan que les autres révolutions industrielles. Enfin les contraintes écologiques ne permettront plus une croissance mondiale aussi importante, c'est le modèle actuel de la croissance et du travail qu'il faut remettre en cause. Il est par contre intéressant d'expliquer les cycles économiques par l'équilibre générationnel rejoignant notre analyse. Voir notre tableau des cycles de Kondratieff.

Pour comprendre une situation il faut la remettre dans son histoire mais aussi dans les différents cycles du moment (économie, saison, génération), les possibilités et les dangers qui s'annoncent, les rencontres symboliques, mais surtout il faut vouloir la transformer.